Présentations
Je m'appelle donc Tim. C'est même pas le diminutif de Timothée. Allez pas me demander pourquoi mes parents m'ont appelé Tim et pas Timothée, je le sais même pas.
J'ai 23 ans, je suis né le 23/11/1983. Je vis depuis 3 mois avec une fille qui s'appelle Gwendoline. Mais c'est pas grave.
Elle est coiffeuse. En fait, ce n'est pas exact, mais je sais pas comment le dire. Parce que là, j'écris "elle est coiffeuse", vous imaginez donc qu'elle travaille dans un salon de coiffure et que son métier consiste à couper les cheveux à des gens en échange d'une rémunération. C'est exact, mais c'est pas suffisant. Quand je dis que Gwen est coiffeuse, je veux aussi dire qu'elle est LA coiffeuse. L'incarnation de la coiffeuse type. C'est ça qui m'énerve un peu chez elle. On croirait qu'elle est née pour shampouiner des têtes, tailler le bout de gras avec des clients et leur indiquer qu'ils ont LE cheveu fin (ou épais, ou rare, ou sec, rayez la mention inutile). Quand elle rentre, l'essentiel de sa conversation est une conversation de coiffeuse. Le temps qu'il fait, y aura-t-il de la neige à Noël, y'a plus de saison, il fait trop chaud pour un mois de novembre, et tout augmente, et que fait la police etc...
Des fois, j'aimerais avoir en face de moi une coiffeuse qui ne soit que coiffeuse dans le salon. Pas en dehors. Puis les problèmes de pellicules de M'ame Bonsart (oui, parce que Gwen a un tic de langage, elle ne dit jamais "Madame", elle dit "M'ame"), j'avoue que j'en ai un peu rien à foutre. Pareil avec le psoriasis de M'ame Coudert.
Bon, elle a des défauts, mais on vit ensemble. De toutes façons, on n'aime pas quelqu'un pour ses qualités, on l'aime pour ses défauts. On ne vit pas avec quelqu'un parce qu'il a des qualités qui nous conviennent, on vit avec parce que ses défauts ne sont pas pour nous rédhibitoires. Et le jour où ils le deviennent, il faut en tirer les conclusions.
Quelquefois, j'aimerais lui dire que je vais mal, que je suis angoissé, que j'ai peur. Quelquefois, j'aimerais me blottir dans ses bras, en lui demandant de me consoler. Quelquefois, je voudrais hurler que j'ai mal, que j'ai mal à en crever, et que je sais même pas pourquoi. Quelquefois, je souhaiterais juste m'allonger et attendre que la journée se passe, avec Gwen qui prendrait une journée juste pour me caresser les cheveux et dire qu'elle m'aime et qu'elle me protègera. Mais ça, c'est pas possible. Parce que de nous deux, le garçon, c'est moi. Et que c'est mon travail de la protéger. C'est même pas macho ce que je dis, puisque c'est vrai. On fonctionne comme ça. Elle rentre énervée du boulot, je l'apaise (en un seul mot, merci). C'est comme ça.
Gwen est une fille fondamentalement gentille, mais je dois m'occuper d'elle, des papiers (elle est incapable de payer une facture à temps, si je la laissais faire, nous vivrions dans un cloaque sans électricité ni téléphone, parce qu'on nous aurait coupé ces deux choses pour non paiement), bref, du quotidien.
Un jour, je dirais à Gwen que je ne suis pas celui qu'elle croit. Je lui dirais que je ne suis pas un garçon aux larges épaules capable de veiller sur elle aussi bien qu’elle le pense. Un jour...